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Je suis la fille de la mariée

Cela se déroule à Alexandrie, en Juillet 97.

Un voyage pour assister à un mariage.

 

Ce sont la rue et les gens qui me surprennent.

Chaleur, fraîcheur, j'entre dans la scène.

La lumière du Sud me fascine et me transporte, au gré des rencontres.

Je vais repartir avant la cérémonie.

 

Au retour, j'effectue les tirages argentiques dans mon premier vrai laboratoire, à Montreuil.

Aujourd'hui, j'ai ressorti mon classeur de négatifs, les planches contact, et scanné l'ensemble des clichés pour la première fois. J'ai découvert des images et ajouté de nouveaux chapitres à cette histoire qui fut ma première exposition, ma mère devenant l'Arlésienne de Daudet.

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Fanny Penin

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Je suis la fille de la mariée

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Certaines photos interrogent tant le sens de leur singularité que toute tentative de réponses paraît négligeable. Seule l’émotion s’impose en écho d’une réalité saisie au vol. Il en est ainsi de ce florilège proposé par Fanny Penin en lien indirect avec les motifs d’un voyage en terre d’Egypte: les noces de sa mère.

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Du mariage en mode traditionnel, il n’en sera pas question, l’intérêt de la photographe ayant privilégié l’animation des rues d’Alexandrie et ses habitants, au hasard de ses déambulations. Se perdre dans un lieu étranger pour mieux se retrouver. Aventure secrète, où Je est l’autre, tous les autres, loin des festivités. La date abrégée de 97, indice, s’il en est, treize ans avant “le Printemps arabe”, pourrait engager certains à scruter des pistes, traquer des signes avant-coureurs de cette Révolution. La tentative perdra vite de son intérêt dans les sourires placides d’enfants ou de piétons croisés sur le chemin.

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Comme souvent dans ce monde démesuré et par trop injuste, la vie captée sur le vif par l’objectif est ailleurs, indifférente à ce qui échappe à son quotidien. C’est ainsi que ce carnet de route déroule une série de photos spontanées de citadins, souvent par deux, de visages avenants ou fermés, avec pour cadres familiers, l’angle d’une rue, d’un magasin au rideau fermé, d’un hall en clair-obscur, d’une cour d’habitation graffitée de craie, de façades d’immeubles populaires aux fenêtres étroites et balcons-loggias bordés de linges, une “maison dans la maison”, réinterprétation d’antiques moucharabiehs, d’une entrée de cinéma francophile. Autant de géométries discontinues, parfois grillagées, souvent bétonnées et sombres comme cadre familier, avec, subrepticement, quelques affleurements de lumière extérieure.

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Le dernier cliché interpelle par les pans du cheich étirés en ailes de papillon avant d’être enroulé autour de la tête d’un homme de dos. La symbolique du turban destiné aux intempéries qui peut aussi faire office de linceul, emporte notre imaginaire sur les bords du Styx. Deux photos en surplomb de femmes voilées assises sur des rochers battus par les vagues, puis deux autres de dos penchées au bord des flots rappellent la proximité d’un horizon marin. Réserve et distance de la photographe qui capte un instant de quiétude. Fierté d’un artisan montrant l’objet de ses attentions ou fou-rire fraternel de jeunes commerçants dans leur boutique hétéroclite.

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Interpellantes aussi ces frises discontinues de mains apposées sur les murs d’un commerce ou au-dessus d’une porte d’une demeure, Khamsa ou Khomsa, “main de Fatma”, symbole incontournable de foi et talisman protecteur contre le mauvais œil. Entre deux voiles noirs furtifs, le sourire frondeur d’une enfant en djellaba. Et puis la récurrence de balais traditionnels d’osier, aux vertus de propreté plus symboliques que réelles, avec ce balayeur de rue pieds-nus qui semble profiter d’un filet d’eau au pied de son magasin ou cette femme digne, assise sur un monceau de pierres et autres résidus, à côté de son dérisoire outil de travail.

 

“Il faut imaginer Sisyphe heureux” semble clamer le regard confiant de cette ouvrière du ménage. Du moins, loin de toute mise en scène, ces individus saisis dans leur quotidienneté modeste par l’œil subtil de la photographe semblent supérieurs à leur destin. Et ce n’est pas le bras de fer de la mariée saisi en encadrement d’un visage d’enfant comme une réplique fortuite d’ “Origine du monde”, qui désavouera cet univers d’un réalisme austère et émouvant, loin des clichés exotiques de pyramides et de Nil constellé de felouques pour touristes désabusés.

Loin de la cérémonie nuptiale, comme un lancer de bouquet, “la fille de la mariée” offre une gerbe de messages à qui veut les saisir.

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Jacqueline Brenot

Auteure et chroniqueuse littéraire

Septembre 2021

Je suis la fille de la mariée

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I am the bride's daughter” was my first exhibition, in '97, my mother becoming Daudet's Arlésienne in Alexandria.

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A journey to attend a wedding. It is the street life and the people in it that take me by surprise, I enter the scene. The light of the South fascinates and transports me, in the course of meetings. 

I will leave before the ceremony.

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On my return, I work on the silver prints in my first real laboratory, in Montreuil. Today, I took out my folder of negatives, the contact sheets, and scanned all the pictures for the first time. I discovered images and added new chapters to this story.

 

Fanny Penin

"I am the bride's daughter"

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Certain photos question the meaning of their singularity to such a extent that any attempt at answers seems negligible. Only the emotion imposes itself as an echo of a reality caught on the fly. Such is the case with this collection of photographs by Fanny Penin, indirectly linked to the reasons for a trip to Egypt: her mother's wedding.

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Here, there is no question of a traditional wedding, the photographer's interest having preferred the animation of the streets of Alexandria and its inhabitants, trusting to chance as she wanders through them. Getting lost in a foreign place as a way of better finding herself. A secret adventure, where I is the other, all the others, far from the wedding festivities. The abbreviated date of 97, a clue if ever there was one, thirteen years before the "Arab Spring", could lead some to search for signs, to track down the harbingers of this Revolution. The quest will quickly lose its interest in the placid smiles of children or pedestrians crossed along the way.

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As is often the case in this disproportionate and all too unfair world, the life captured by the lens is elsewhere, indifferent to what escapes its daily life. This is how this travel diary unfolds a series of spontaneous photos of city dwellers, often in pairs, of friendly or closed faces, with familiar frames, the corner of a street, a shop with a closed curtain, a hall in chiaroscuro, a courtyard graffitied with chalk, the facades of working-class buildings with narrow windows and balcony-loggias lined with washing, a "house within a house", a reinterpretation of ancient moucharabiehs, of a Francophile cinema entrance. So many discontinuous geometries, sometimes barred, often concrete and dark as a familiar setting, with, surreptitiously, a few outcrops of outside light.

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The last shot is particularly striking because the cheich is stretched out like a butterfly before being wrapped around the head of a man with his back to us. The symbolism of the turban, which is intended to protect against the elements and which can also be used as a shroud, carries our imagination to the banks of the Styx. Two overhanging photos of veiled women sitting on wave-beaten rocks, then two others with their backs bent over the edge of the waves recalling the proximity of a marine horizon. The photographer's reserve and distance capture a moment of quietude. The pride of a craftsman showing off the object of his attentions or the fraternal laughter of young shopkeepers in their heterogeneous shop.

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Also intriguing are the discontinuous friezes of hands affixed to the walls of a shop or above the door of a house, Khamsa or Khomsa, "Fatma's hand", an inescapable symbol of faith and protective talisman against the evil eye. Between two furtive black veils, there is the rebellious smile of a child in djellaba. And then the recurrence of traditional wicker brooms, whose virtues of cleanliness are more symbolic than real, with this barefoot street sweeper who seems to be enjoying a trickle of water at the foot of his shop, or this dignified woman, sitting on a pile of rubble, and other residues, next to her derisory work tool.

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"Imagine Sisyphus happy", seems to be the confident look in the eyes of this cleaning worker. At least, far from being staged, these individuals, captured in their modest daily lives by the photographer's subtle eye, seem superior to their fate. And it is not the bride's arm wrestle captured to frame a child's face like a fortuitous replica of the "Origin of the World" that will disavow this universe of austere and moving realism, far from the exotic clichés of pyramids and the Nile studded with feluccas for disillusioned tourists.

Far from the nuptial ceremony, like a tossed bouquet, "The Bride's Daughter" offers a sheaf of messages to those who want to catch them.

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Jacqueline Brenot

Author and literary columnist

September 2021

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